Sears Canada inc : Le Tribunal apporte des précisions sur le prix habituel

Le 24 janvier 2005, le Tribunal de la concurrence (le Tribunal) a publié les motifs datés du 11 janvier 2005 de sa décision dans l’affaire La commissaire de la concurrence c. Sears Canada Inc.. Le Tribunal de la concurrence du Canada (le « Tribunal ») a jugé que le détaillant Sears Canada avait contrevenu aux dispositions sur le prix habituel de la Loi sur la concurrence (ci après la « Loi »). L’affaire portait sur des annonces publiées en 1999 qui exagéraient les économies que le consommateur pouvant réaliser sur les pneus quatre saisons dans le cadre de trois campagnes promotionnelles. Ces annonces contenaient des indications sur les prix « habituels » des pneus et les prix « de solde ».

Le Tribunal a conclu que Sears Canada Inc. avait contrevenu à l’article 74.01(3) de la Loi, qui interdisant la communication au public d’indications trompeuses d’une façon importante sur le prix de vente habituel d’un produit. La commissaire de la concurrence a allégué qu’en 1999, Sears avait induit en erreur les consommateurs en gonflant le prix régulier de certains pneus annoncés en solde.

La cause a été initiée par le Bureau de la concurrence. Ce dernier cible de plus en plus les détaillants qui contreviennent aux dispositions des lois canadiennes portant sur les pratiques commerciales trompeuses. La décision est particulièrement importante pour les détaillants canadiens puisqu’il s’agit de la première décision du Tribunal sur les indications relatives au prix habituel.

Le Tribunal a fondé sa décision essentiellement sur l’approche analytique présentée dans le bulletin d’information du Bureau de la concurrence – Indications relatives au prix habituel : paragraphes 74.01(2) et 74.01(3) de la Loi. En vertu de la Loi, les indications relatives au prix habituel auquel sont vendus des produits sont légitimes si :

(i) une quantité importante du produit a été vendue au prix régulier ou habituel ou
(ii) le produit a été offert de bonne foi au prix régulier ou habituel pendant une période importante précédant de peu ou suivant de peu la vente.

Si le Tribunal est d’avis qu’une personne a contrevenu à ces dispositions, il peut lui ordonner de cesser de faire des représentations trompeuses, de diffuser un avis correctif et de payer une sanction administrative pécuniaire (« SAP », qui équivaut à une amende).

Selon le bulletin, pour établir si un produit a été offert de bonne foi pendant une période importante, la quantité de produits offerts de même que la durée de l’offre au prix habituel doit être évaluée sur une période de six mois. Le critère concernant la période est rempli si le produit est offert au prix habituel ou à un prix semblable pendant plus de 50 % de la période visée. Sears a reconnu qu’elle n’a pas rempli le critère de quantité mais elle a maintenu qu’elle avait agi de bonne foi relativement au critère concernant la période, sur une période d’un an. La commissaire a fait valoir que Sears n’avait pas agi de bonne foi si on évaluait ses ventes sur la période de six mois précédant les annonces en cause et qu’à tout événement elle ne s’attendait pas à vendre une quantité importante de pneus au prix habituel. De plus, les prix habituels des pneus de Sears étaient beaucoup plus élevés que ceux de pneus comparables offerts par ses concurrents.

Le Tribunal a jugé que ce critère comporte deux éléments : les biens doivent être offerts aux prix habituels annoncés (ou à un prix plus élevé) « de bonne foi » et ce, pendant « une période importante » précédant de peu (ou suivant de peu) la publication de l’annonce portant sur le prix habituel.

À la lumière des éléments présentés, le Tribunal a conclu que Sears n’avait pas offert de bonne foi ses pneus quatre saisons aux prix habituels indiqués. Dans les annonces en cause, le prix habituel mentionné par Sears correspondait au prix d’un seul pneu. Or, dans la grande majorité des cas, le consommateur achète des pneus en paire, soit une ou deux paires à la fois, et le prix unitaire d’un pneu acheté en paire était toujours plus bas que les prix « habituels » annoncés pour un seul pneu. Aussi, Sears a plaidé que ses prix habituels étaient équivalents ou inférieurs aux prix de détail suggérés par le fabricant. Cependant, le Tribunal a jugé que cette conduite n’était pas conforme aux exigences de bonne foi, parce que la preuve a démontre que dans l’ensemble, les détaillants ne vendent pas leurs pneus aux prix de détail suggérés par le fabricant.

Le Tribunal a ordonné à Sears de cesser de donner des indications relatives au prix habituel qui contreviennent à la Loi pendant une période de dix ans. De plus, le Tribunal a refusé de se prononcer sur la demande de la commissaire visant l’imposition à Sears d’une sanction administrative pécuniaire (une SAP) de 500 000 $ jusqu’à ce que les parties soumettent d’autres arguments sur l’applicabilité d’une SAP. Il faudra surveiller si Sears contestera la validité des SAP en vertu de la Loi, une question très pertinente vu la proposition faisant l’objet du projet de loi C-19, intitulé Loi modifiant la Loi sur la concurrence et d’autres lois en conséquence. Ce dernier a été déposé au Parlement et vise l’imposition de SAP pouvant atteindre jusqu’à 5 millions de dollars canadiens pour des indications trompeuses et abus de position dominante.

Les modifications proposées à la Loi figurant dans le projet de loi C-19 permettrait d’accroître considérablement les sanctions administratives pécuniaires maximales, qui seraient portées à 10 millions de dollars pour une première violation des dispositions de la Loi relatives aux pratiques commerciale s trompeuses et à 15 millions de dollars pour toute violation subséquente. Par conséquent, les violations futures du paragraphe 74.01 (3) de la Loi ou des autres dispositions relatives aux pratiques commerciales trompeuses pourraient entraîner des répercussions financières assez considérables pour les détaillants.

Cette décision envoie un message clair aux détaillants canadiens. Le Tribunal adopte une approche ferme à l’endroit des réclames sur le prix de vente habituel. Dans l’affaire Sears, le Tribunal a entériné l’approche du Bureau de la concurrence et a démontré qu’il est prêt à examiner le fondement de la conduite du détaillant afin de déterminer si cette dernière est trompeuse pour les consommateurs.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

dommage que ce genre de lois ne s applique pas aux petits detaillants...y a tellement de crosses....

 

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