TENDANCE : SOMMES-NOUS SENSIBILISÉS OU MANIPULÉS ?

daniele coupale, ipub.ca.cx, jean julien guyot, consommactionPar Danièle Coupal : de la consommation à la consom’action ?

En octobre 2005, basé sur une étude intitulée « Du sens pour les marques dans un monde qui n’y croit plus » (1), j’écrivais un article (Le Citoyen # 134) sur la manipulation des consommateurs par les marques. Cette étude démontrait que plus d’un consommateur sur deux n’ont pas confiance aux grandes entreprises et estiment qu’ils sont « manipulés par les marques ». Conséquemment, ces observations devaient obligatoirement influencer la stratégie marketing des entreprises, voire même les contraindre à réviser leurs tactiques, même les plus efficaces jusqu’à ce jour.

Les habitudes de consommation ont changées, la population vieillie et les consommateurs sont plus sceptiques et nettement plus difficiles à convaincre. Ils sont plus informés et plus méfiants face aux nouveautés des grandes signatures et aux promesses bienfaitrices de ces dernières. Toujours selon cette même étude, les conditions de fabrication d’un produit ainsi que la qualité sociale de la production et les conséquences de sa composition sur l’environnement, s’avèrent les arguments les plus déterminants dans une publicité visant le choix d’une marque. Étonnamment, les étiquettes dont la réputation n’est plus à faire depuis des décennies, semblent perdre de leur crédibilité au bénéfice de celles à rabais, souvent préférées par les acheteurs. Pourquoi ? À quoi devons-nous attribuer ces changements de comportements ? Les consommateurs seraient-il en train de se rebeller ou en ont-ils assez d’être dupés par ces pubs qui ne véhiculent que des illusions ?

2006, la manipulation sensibilisée ou la sensibilisation manipulée ?

À mon humble avis, même si je n’ai aucune étude ou statistique pour appuyer mes dires, je ne crois pas que nos spécialistes en marketing aient saisi toute l’ampleur du passage de la consommation à la consom’action qu’a été 2005 ! Convaincue que ce sondage provoquerait un « branle-bas-de-combat » dans le merveilleux monde des publicistes, il semble qu’ils aient plutôt de la difficulté à identifier la nature des recherches impliquées et des changements qui s’imposent.

Pis encore, nos grands diplômés tournent toujours autour des mêmes sujets, lesquels se résument en peu de mots : comment atteindre le plus de consommateurs possible en déboursant le moins possible et en empochant le plus possible ?

Sous le couvert de journées de conférences dispendieuses, plusieurs orateurs de haut calibre nous ressassent les mêmes exposés depuis déjà plusieurs années, seuls les titres ont changé.
Parfois, l’ordre du jour s’apparente au menu d’un nouveau resto français bien branché !

Par exemple, en septembre 2006, Infopresse consacrait une journée aux « campagnes intégrées, un incontournable, à l’ère de la fragmentation ». À l’ordre du jour : comment créer de l’impact chez des consommateurs de plus en plus sollicités ? Comment intégrer, dans les stratégies de marketing et de façon pertinente, les nouveaux outils que sont la téléphonie et la télévision mobiles, les jeux vidéo, le marketing viral ? Bref, comment faire vivre une marque aujourd’hui, en mettant à contribution des outils aussi divers que la pub traditionnelle, l’interactivité, les relations de presse et les événements ?

À mon avis, il n’y a pas mille et une façons de faire vivre une marque par l’intégration de nouveaux outils dans une stratégie marketing ; il suffit de jumeler logique, créativité, ingéniosité et médias.

Cependant, nos spécialistes marketing semblent avoir enfin réaliser que le consommateur ne se contente plus d’une promesse (il était grandement temps) et, selon eux, les médias traditionnels en souffrent du haut de leur tour. Je me demande bien de quelle nature est la souffrance de nos médias du haut de leur tour si ce n’est que le vertige ?
Et il s’avèrerait également, que pour les publicitaires, le temps est venu de raconter, et non plus seulement de dire. Ce que je crois est que « ce temps a déjà été et qu’il se doit de revenir ... pronto ! » Nos publicistes s’en sont éloignés inconsciemment ou consciemment, peu importe, l’important est de le faire revenir le plus tôt possible.
Et en bout de ligne, certains croient fermement au développement d’une intelligence d’affaires afin de bien comprendre le consommateur et ses comportements. Le développement d’une intelligence d’affaires ?
Manquerait-on de spécialistes intelligents ? J’ai peine à croire que nous n’en sommes qu’au stade du développement de cette intelligence chez nos experts marketing ? À lire de tels propos, il est très compréhensible que les consommateurs fassent de moins en moins confiance aux grandes entreprises et soient des plus méfiants face à leurs marques.

Tout juste deux semaines avant cette importante journée, Infopresse se penchait sur « les médias, les scénarios de l’avenir ». Infopresse publicise l’événement en se questionnant sur l’avenir des médias traditionnels et leur éventuelle transformation ainsi que sur les nouvelles formes de médias à surveiller, les dernières tendances en matière de médias et de comportement des consommateurs. Et j’en passe.

Ayant de la suite dans les idées, en mai 2006, trois jours étaient alloués dans le but d’élucider toutes questions relatives aux sujets suivants (ces trois mêmes journées s’étaient également déroulées en mai 2005) :
- «La commandite, discipline d’avenir »
- « La publicité sociétale, jusqu’où sensibiliser pour faire réagir ? »
- « Le marketing par moteurs de recherche, comment s’assurer d’être trouvé ? ».


La commandite, discipline d’avenir
Dans un premier temps, la commandite est présentée comme une discipline d’avenir.
La commandite n’a rien de « futuriste », la commandite d’événements existe depuis belle lurette. Le Festival de Jazz n’a-t-il pas toujours été commandité ? Et le Grand Prix de Montréal ? Et le Festival Juste pour Rire et les Feux de la Ronde, pour ne nommer que ceux-ci. Même que La Brasserie Molson, bien avant de fusionner avec La Brasserie O’Keefe, commanditait le Festival Western de St-Tite, (à l’ordre du jour notamment) et celui des crevettes à Matane ! Et ce, en plus du « rapport des décès » radiodiffusé dans certaines stations radiophoniques en province. Mais comment pourrions-nous oublier La Soirée du Hockey Molson ? Même les moins de 30 ans s’en souviennent certainement !

Je ne peux croire que les spécialistes marketing d’aujourd’hui viennent tout juste de s’apercevoir de la valeur incalculable et sans précédent d’une commandite ? Elles ont même eu droit à leur scandale ! Ce qui est peut dire !

Et évidemment, profits obligent, un atelier était prévu pour parler ‘chiffres’. Comment en établir la valeur (non pas du profit mais de la commandite elle-même) ? Quelle sont les méthodes d’évaluation, les principaux facteurs et indicateurs de mesure ?
Mais pourquoi accorder autant d’importance à ces méthodes d’évaluation et aux indicateurs de mesure ? Une commandite d’événement ne nécessite aucune mesure, elle a besoin de logique et de raisonnement assaisonnés d’une bonne dose de ‘grand bon sens’. Mesure ou non, La Brasserie Molson a tout de même commandité « La soirée du Hockey » pendant des années ! Et croyez-moi, elle n’a jamais été perdante, bien au contraire. Et des exemples de ce genre, il y en a par centaine. Alors de grâce, oubliez les chiffres...ne serait-ce que pour cette particularité médiatique.
Quel est le plus important ? Qu’un commanditaire se vante d’atteindre 3 millions de personnes ou que ce même commanditaire soit rattaché à un événement d’envergure au point de faire partie de son nom ? Par exemple, « Le Cinéma Kraft », bien que ce ne soit pas d’hier et qu’il s’agisse d’une petite commandite d’émission télévisée, il n’en demeure pas moins que sa valeur est phénoménale car qui d’entre nous a oublié ce fameux « Cinéma Kraft » ? Alors imaginez la notoriété d’une commandite d’événement ! N’est-ce pas plus notoire de vendre un événement renommé qu’un amas de chiffres et de statistiques ?

La publicité sociétale, jusqu’où sensibiliser pour faire réagir ?
J’ai également écrit un article sur ce sujet (Le Citoyen #131) suite à la journée Infopresse du 24 mai 2005.

Présentée brièvement en ces mots :

« Les gouvernements et organismes à but non lucratif investissent des millions$ en publicité afin d’inciter la population à modifier certains comportements. Comment en mesurer l’impact ? De la recherche au déploiement des stratégies de marketing social, les experts partageront les nombreux défis et enjeux de la publicité sociétale ».


1. On parle de sensibilisation par l’utilisation de la crainte dans les campagnes de sécurité routière jusqu’à se questionner sur le niveau de peur qu’il serait préférable d’évoquer (symbolique, réaliste, hyperréaliste).
2. On se questionne également sur l’efficacité de la pub sociétale auprès de ceux qui ont fait le choix de vivre en marge de la société en rejetant en bloc ses règles et ses messages.
3. Quant au ministère de la Santé et des Service sociaux du Québec, il a opté pour la communication sociétale employée dans la promotion de la santé, la prévention de maladies ou de problèmes sociaux.

Mais qui donc veut-on RÉELLEMENT sensibiliser et faire réagir ?

Qui donc veut-on effrayer par l’utilisation de la crainte dans les messages sur la sécurité routière ? De qui ou de quoi devons-nous avoir peur exactement ? Des risques de blessures infligées par un conducteur ivre, ce pourrait tout aussi bien être un chauffard bien à jeun, ou des problèmes de remboursement et/ou d’augmentation de nos assurances suite à un accident de la route ? Ou peut-être la perte totale de notre tout nouveau véhicule ?

Car si le rôle de la publicité sociétale est de sensibiliser les consommateurs, ce n’est pas par une campagne de peur, qu’elle atteindra son but ; pas plus que par l’envoi massif de dépliants explicatifs et/ou informatifs qui se retrouvent dans le bac à recyclage la plupart du temps. Les consommateurs n’ont nullement besoin d’être sensibilisés aux nombreux phénomènes sociaux maladifs dont souffre notre société, ils les connaissent déjà. Afin de combattre ces nombreux incidents, la meilleure stratégie de marketing est sans contredit la prévention dont le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec vante les mérites et la réussite dans le domaine de la santé. Alors tout comme la prévention du cancer a passé par la lutte contre le tabagisme et conséquemment l’abolition de toute publicité et commandite, il va de soi que la lutte contre la conduite en état d’ébriété doit forcément passer par l’interdiction également de toute publicité ou commandite à saveur « d’alcool ». Aucune publicité et/ou commandite ne devrait être tolérée par aucun fabricant de boissons alcoolisées, bières inclues. Tout comme ce même Ministère devrait également, toujours dans un but préventif, interdire à Loto-Québec la commandite des Feux de la Ronde afin de lutter contre le « gambling », dont la dépendance touche de plus en plus de consommateurs et engendre une panoplie de problèmes conjugaux, familiaux, financiers, etc.

Alors de grâce, messieurs les Ministres, soyez conséquents et donnez le bon exemple à la jeunesse montante ! C’est à vous que revient cette responsabilité, alors qu’attendez-vous donc pour la prendre ? Commencez par mettre vos culottes et à interdire aux brasseries et aux fabricants de boissons alcoolisées, toute publicité et commandite tout comme vous l’avez interdit aux fabricants de cigarettes dans votre lutte acharnée contre le tabagisme. Ne sauveriez-vous pas plusieurs vies et plusieurs millions$ ? Vous avez été capables de voter une loi anti-tabac, vous êtes bien capables d’en voter une qui soit anti-alcool ! N’êtes-vous pas les dirigeants des dirigeants ?

Et si seulement ces millions$ subventionnaient des programmes d’aide qui s’attaquent réellement aux infrastructures et aux problèmes de base, il n’y aurait plus un seul sans abri à Montréal et tous les enfants auraient droit à un petit déjeuner à l’école.

La lutte contre le tabac est une réussite, il est temps maintenant de s’attaquer à celle contre l’alcoolisme et toutes les autres formes de dépendances !

Le marketing par moteurs de recherche, comment s’assurer d’être trouvé ?
Quant au marketing par moteurs de recherche, le pire pour une entreprise ou un produit semble ne pas être parmi les 15 premiers. Alors que nos spécialiste dépassent déjà les limites de l’acceptable, en récupérant nos « cookies » afin d’en apprendre davantage sur notre mode de vie, en nous harcelant de pubs dérangeantes et non désirées et bien que nous bloquons nos fenêtres intempestives, ces pubs s’affichent malgré tout sur nos écrans. Et nos experts se demandent toujours comment comprendre les comportements de recherche des internautes, comment le marketing par moteurs de recherche peut-il améliorer le chiffre d’affaires et comment découvrir les engins de recherche émergents ?
Que faites-vous de votre logique, votre intuition, votre flair et surtout votre respect ? Si vous n’en aucun, mieux vaux vous orienter dans un autre domaine. Le respect du consommateur et/ou de l’internaute est bien plus important que les chiffres ! S’ingérer dans la vie privée des consommateurs par le biais des « cookies », pour ne nommer que cette méthode, en est une des plus aberrantes !
Attention, internautes/consommateurs, Big Brother vous surveille !

Quand donc allez-vous respecter les internautes qui ne veulent pas de pubs sur leurs écrans ? Au lieu de vous casser la tête pour trouver la recette miracle qui fera en sorte que votre pub soit vue partout et par tous, pourquoi ne pas investir temps et énergie dans l’élaboration d’une stratégie qui permettrait aux internautes de gérer la visibilité des pubs sur LEURS PROPRES ÉCRANS ! La pub n’est-elle pas suffisamment omniprésente ? Ce n’est pas en étant encore plus omniprésente « qu’une marque fera sa marque » et encore moins par l’obligation d’être visionnée. Ce sera l’effet contraire qui se produira ; le consommateur atteindra un niveau de saturation à toujours voir le même produit ou la même marque partout où il pose les yeux et sera encore moins porté à l’acheter !
Il y a même des cabines d’essayage de vêtements dans des boutiques de grands centres commerciaux qui n’ont même pas de miroir à l’intérieur de leur cabine mais par contre ils ont une affiche publicitaire. N’est-ce pas harcelant et agressant à ce stage-ci ?

Conclusion
J’ai connu l’époque des médias traditionnels et peu de statistiques étaient disponibles ; Internet n’était pas de ce monde et évidemment, les campagnes ne se mesuraient peut-être pas avec autant d’exactitude, toutefois, la logique et le raisonnement jouaient un rôle primordial, lesquels semblent malheureusement avoir été relégués aux oubliettes.

Une petite question qui demande un peu de bon sens (et nul besoin d’être un expert en marketing) : si vous aviez une « Cadillac » à vendre, préféreriez-vous CHOM-FM ou CFQR-FM ou encore le « Téléjournal de fin de soirée » ou « Virginie » ?
Si je ne m’abuse, les chiffres me suggèreraient sûrement CHOM-FM et « Virginie » mais ma logique et mon raisonnement opteraient pour le second choix ! L’important est de s’adresser aux éventuels acheteurs potentiels de Cadillac. Il en était ainsi en 1986, il en ainsi en 2006 et il en sera encore ainsi en 2026 ! Et oui, nous étions à l’époque des médias traditionnels ; bien avant leurs années de souffrance du haut de leur tour !


Sources : 1 – Étude réalisée en 2005, par la firme de marketing Ethicity auprès de 3 300 Français âgés de 15 à 70 ans
2 – Les journées Infopresse, septembre et mai 2006

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